top of page
Rechercher

La Médecine de Ordinaire

  • Photo du rédacteur: Isayä Shamanka
    Isayä Shamanka
  • 18 mai
  • 4 min de lecture


ree

J’arrive à Ayamadre pour ma deuxième diète…Deux mois en immersion totale au cœur de la jungle amazonienne.Je crois, naïvement, que ce sera suffisant pour ressortir transformée.Je l’espère. J’en ai besoin.Je sens que c’est un minimum.


Mais dès mon arrivée… l’angoisse.

Le centre est désert. Deux passengeros.Tout semble en ruine, oublié, comme un rêve abandonné.Je regarde autour de moi, le cœur serré, les jambes tremblantes.

Mon mental hurle : « Qu’est-ce que tu fous là ? »


Je fais la rencontre d’Estella, la gérante. Calme. Présente.

Je ne le sais pas encore, mais elle va devenir ma Maestra.

À ce moment-là, je suis dans un état de survie.Sur la défensive, méfiante, épuisée jusqu’à l’os.


Elle me regarde, profondément. Et en un instant, elle voit.

Elle voit que ma diète d’Oje n’est pas scellée, que tout est ouvert, instable, à redresser.Je ne comprends pas ce que ça veut dire.

Mais je la crois. Je sens en elle une autorité silencieuse.Une force douce. Une vérité.


Et puis elle me dit :

« Ta diète de Cacao n’est pas dans ton corps. Elle est à côté. »« Tu vas la reprendre. Correctement. Pour vraiment incarner sa médecine. »


Je suis saisie. Elle a vu.Elle a vu que j’ai déjà marché avec le Cacao, mais de loin, sans ancrage.Et là, une bénédiction tombe du ciel : l’opportunité de le diéter à la manière traditionnelle. De recevoir les arkanas. D’entrer vraiment dans la médecine.


Estella m’apprend à récolter la médecine moi-même, directement sur l’arbre.

Chaque semaine, je vais à la rencontre de mon cacao pour récolter son tronc. C’est ainsi que commence la connexion.

Un acte d’amour, un rituel, une communion.

Chez les Shipibo, le Cacao est un esprit masculin. Rien à voir avec la déesse Ixcacao des Mayas.C’est un maître, pas un réconfort. Il enseigne l’amour de soi, sans fard ni flatterie.



ree

Mais malgré tout ce cadre, malgré cette chance… je me débats.

Entre les cérémonies, les traductions, j’ai encore tant de mal à être seule, alignée, concentrée sur ma diète.


Je fuis, je pleure, je m’agite pour ne pas sentir le vide, le fardeau que je porte en moi.


Et puis vient la première cérémonie avec la Madré. Je suis tendue. Curieuse. Impatiente.

Mais rien.

RIEN.

Aucune sensation.Aucune vision.Aucun message.


Je m’endors, lourdement, comme plombée par une chape invisible.

Et pendant que les autres vivent des voyages somptueux, des révélations divines, moi…

je me réveille vide. Écrasée. Écartée.


Je me sens indigne. Invisible. Rejetée par la plante.Et là, une pensée me dévore :

« Je suis trop pourrie pour qu’elle me touche. »« Elle me voit… et elle me rejette. »


Je demande à Estella une plus grosse dose. Elle refuse. Elle m’explique, patiemment, que si elle m’en donne plus maintenant,je vais me faire attaquer par mes propres ténèbres.


« Ta noirceur va se jeter sur toi. Et tu ne pourras pas la contenir.

Elle veut m’éviter ça.

Mais moi, je me sens punie. Mise à l’écart.


Un mois passe.Enfin, une demi-coupe. Et là… l’enfer.



ree

Mon corps devient un poids mort.

Mes tripes se soulèvent.

Une nausée violente me déchire.

J’ai l’impression de me dissoudre dans une marée noire, collante, putride.

Les icaros me traversent comme des éclairs.

Chaque note est une lame.

J’ai envie de hurler, de fuir.



Et quand vient mon tour de recevoir les chants, je suis littéralement dépecée.

Je ressens chaque extraction, chaque arrachement.

C’est Viscéral. Animal. Sauvage.

Je ne sais pas ce qu’ils retirent, mais je sais que c’est laid.

Je sens en moi des pensées de meurtre, de haine, d’horreur.Je veux tuer Guilberto

Je le hais pour ce qu’il m’inflige… alors qu’il est en train de me sauver.

Je me hais d’avoir ces pensées.

Je veux fuir.Je veux MOURIR pour échapper à ce feu noir.


Et puis… je m’effondre. Vaincue. Brisée.

Et là, les digues lâchent.Je pleure. Toute la nuit. Pour la première fois depuis longtemps, je ne retiens plus rien.


Après cette nuit, j’accepte.

J’accepte le microdosage.

J’accepte le chemin lent.

J’accepte les conseils d’Estella, même quand je ne les comprends pas.


Elle me dit que ma charge est trop grande. Trop lourde

.Que la plante ne me rejette pas : elle me protège.Elle me dit que parfois, il faut des années avant de voir. Avant d’entendre.Avant d’entrer

Que si je recevais une vision maintenant, ce ne serait que l’image de mon propre chaos intérieur.

Et que cela m’effraierait. Me détruirait.




ree

Alors je dois avoir foi.

Foi que la médecine sait ce qu’elle fait.

Foi que mon tour viendra.Foi que la lumière brillera un jour.


Et surtout…Humilité.

L’humilité d’accepter de ne rien voir.

De ne rien vivre de spectaculaire.D’être celle qui ne « voyage » pas.

D’être celle qui ne raconte pas d’histoire hallucinée.

Et c’est là, précisément là… que j’ai commencé à comprendre.


La vraie magie est dans l’ordinaire.

Pas dans les visions éclatantes.

Pas dans les serpents, les jaguars, les messages galactiques.

Mais dans la terre.

Dans le silence.

Dans une larme qui tombe sans qu’on la retienne.


Nous courons tous après l’extraordinaire.Parce que ça flatte l’ego.

Ça nous fait sentir spéciaux. Aimés. Choisis.

Mais parfois, la guérison n’est pas un feu d’artifice.

C’est un tremblement imperceptible.Un relâchement invisible.

Une douceur qui revient là où tout était dur.


L’ordinaire, c’est là que la magie commence.

Dans un regard posé sur soi avec tendresse.

Dans une respiration qui ne fuit plus.

Dans un matin sans angoisse.

L’ordinaire ne cherche pas à impressionner. Il guérit.


Et pour y accéder… il faut traverser le néant.

Il faut apprendre à aimer sans preuves.

À avancer sans garanties.

À marcher, même quand tout est silencieux.


Parce que parfois, le plus grand miracle,

c’est d’être encore là.

 
 
 

Commentaires


De la Terre à l 'Ame:

une Mue, un Souffle  un Souvenir

  • Instagram
  • Facebook
  • YouTube

+596 696 659 383

Martinique, FWI

Le terme médecine utilisé sur ce site fait référence à la tradition chamanique et aux sagesses ancestrales des plantes. Il ne relève en aucun cas de la médecine conventionnelle ou d’un cadre médical reconnu.

bottom of page