La Matrice des Ancêtres : Les mémoires des Lignées

Isayä Shamanka
16 juin
3 min de lecture

Un retour éclair dans le Nord. Ma terre natale. Là où tout a commencé.

J’avais besoin de retrouver mes racines, la chaleur des bras de ma grand-mère, l’odeur de la mer, le goût salé de l’enfance… Mais derrière cette douceur, il y avait une autre réalité : celle d’un passé encore chargé de douleurs non dites.

La dernière fois que mes pieds ont foulé cette terre, j’étais cette fille « trop » : trop sensible, trop intense, trop en colère. Celle qu’on appelait la cousine étrange. Le mouton noir. Celle dont les colères éclataient comme des tempêtes, incomprises dans une famille où l’on préfère enfouir plutôt que remuer. Je sentais que ma rage dérangeait, que ma quête intérieure faisait peur. Ici, on ne guérit pas, on supporte. On ne parle pas des blessures, on les porte en silence.

Et moi, je ne savais pas me taire. J’ai crié ma douleur, j’ai hurlé mon mal-être. J’ai été rejetée, jugée, isolée. Ma rage a dû être difficile à gérer pour les autres. Je n'ai pas dû être facile à suivre. J'étais le mouton noir, celle qui casse les codes, sort du moule établi, et dérange la tranquillité.

On ne choisit pas d être le mouton noir, sa nous ai imposé par l'âme. Celle qui porte cette charge, n'est pas la pour semer le chaos gratuitement mais pour faire éclater des vérités, éclairer ce qui a été tu, faire remonter ce qui a été enfoui. C'est l'appel pour guérir la lignée, rompre le cycle pour créer le renouveau.

Et Cette fois-ci, c'est différent.

Je ne suis plus celle qui dérange, mais celle qui guérit et qui répare.Toutes ces étiquettes, je les ai arrachées. Tous les manques, je les ai comblés.

Je ne suis plus en guerre. Je suis en offrande.

et je remercie la vie de m’avoir menée jusque-là.

Et en revenant, j’ai compris. Je ressens, dans chaque regard échangé, dans chaque silence partagé, que quelque chose a bougé. Ce n’est pas seulement moi qui reviens changée : c’est l’énergie entre nous qui se transforme.

Le karma familial ne s’efface pas : il se libère, dans les entrailles, dans l’utérus, dans la chair. Là où tout commence. J’ai vu les femmes de ma lignée m’accueillir. Aucun homme. Juste cette sororité, cette lignée. Je sentais la prochaine étape de mon voyage : la libération de la lignée. La symbolique puissante me sautait aux yeux. Je ressentais cette vague boueuse présente dans mes entrailles.

L’utérus n’est pas seulement un organe de création physique. C’est un sanctuaire de mémoire. Un lieu sacré où se déposent, génération après génération, les douleurs, les silences, les traumas, mais aussi la force, la sagesse et les savoirs des femmes qui nous ont précédées.

Nous naissons dans l’utérus de notre mère, qui elle-même a grandi dans celui de sa propre mère. Ainsi, nous portons en nous des traces invisibles de ce qui a été vécu bien avant notre naissance : les deuils non faits, les violences tues, les désirs réprimés, mais aussi les chants, les espoirs, les élans de vie. Tout cela circule dans notre lignée.

Ces mémoires s’inscrivent dans le corps, dans le ventre, parfois comme des blocages, des douleurs inexpliquées, des peurs récurrentes. Elles peuvent conditionner nos relations, notre rapport au plaisir, à la maternité, à la création.

Mais l’utérus est aussi un portail de guérison. En se reliant à lui, en l’écoutant, en le purifiant, nous pouvons transmuter ces mémoires. Nous pouvons choisir de ne plus porter ce qui ne nous appartient pas, d’honorer nos lignées en les libérant.

Guérir l’utérus, c’est guérir l’histoire.

C’est redonner à la lignée sa lumière.